#4 La promesse employeur, nouveau fondement du contrat social post Covid-19 ?

editorial | marketing b2b

9 novembre 2022

Par Capucine de La Bigne, Editorial Content Director au sein de l’agence DII

La crise du Covid-19, en amplifiant des phénomènes qui émergeaient déjà depuis plusieurs années, a encore complexifié les relations et les attentes entre collaborateurs et grandes entreprises. Parmi ces exigences de fond pour la plupart vouées à perdurer : nouvelles formes d’organisations et hybridation du travail, lutte contre le changement climatique, transparence et exemplarité de l’entreprise, quête de sens… Des attentes réaffirmées qui n’occultent pas pour autant des revendications plus traditionnelles en matière de rémunération ou d’évolution professionnelle. Le tout, sur un marché de l’emploi globalement plus favorable aux salariés… L’agence Drive Innovation Insights, observatoire des tendances métiers depuis 1993 et créateur de clubs professionnels BtoB, a fait le point sur le sujet. Décryptage.

Contrat de travail, contrat social

Entre Grande Démission et Quiet Quitting, le ciel ne semble guère au beau fixe pour les entreprises. La cause ? Un contrat social qui a sans doute perdu de son attractivité… ou de sa clarté. « Le deal historique, c’était la garantie de l’emploi contre la loyauté », explique Gilles Verrier, ex-DRH de grands groupes internationaux devenu consultant. Le renversement du rapport de force sur le marché de l’emploi, davantage en faveur des salariés, ne date pas d’hier, comme l’atteste le succès d’un site comme Welcome to the jungle, qui a à cœur de proposer une « expérience professionnelle épanouissante » depuis 2014 déjà. Et avec ces aspirations qui s’affirment, ce sont également de nouvelles frustrations qui émergent, à l’instar de la figure du salarié-mercenaire, qui n’hésite pas à claquer la porte à la moindre contrariété et à changer de maison.

A noter : le nombre de salariés indépendants a explosé ces 2 dernières années (1 jeune sur 2 se voit désormais entrepreneur aujourd’hui en France). Martin Richer, consultant en responsabilité sociale des entreprises, l’atteste : l’explosion de l’entrepreneuriat découlerait moins d’une recherche de liberté à tout prix que « d’un rejet des entreprises telles qu’elles le sont devenues après la financiarisation des années 1980 ».

Quelles voies de sortie possible ?

« Pour ma génération, observe Pascal Demurger, Directeur Général du groupe Maif, le travail était central et structurant. Les jeunes ont une vision plus instrumentale du travail : ce n’est plus leur seul mode de réalisation ». Alors quel autre choix pour les entreprises que de s’adapter à cette déferlante en repensant le contrat social ? Et ainsi recréer durablement les conditions d’un projet commun, fédérateur, qui s’extraie d’une relation purement commerciale avec ses collaborateurs mais qui intègre les enjeux sociaux et environnementaux au business model de l’entreprise bien sûr, mais également à sa déclinaison opérationnelle, c’est-à-dire son pilotage. Assumer le rôle de lieu de sociabilisation, donner du sens et créer les conditions d’un projet commun. Facile à dire…

Social & woke washing : attention à la douche froide

Une entreprise qui manie à l’envi toutes les formes de « washing » (green, purpose, social, woke ou encore happy washing) court le risque de perdre en crédibilité et d’être taxée d’hypocrite. Entachant au passage durablement la confiance de ses multiples parties prenantes, collaborateurs en tête. Alors un maître mot pour rester crédible : l’authenticité ! Persévérance et logiques de long terme doivent prévaloir, avec des actions mesurables de manière objective et partageable. La différence entre « l’effet » et « l’impact » en somme.

Connue pour son engagement depuis près de 4 décennies dans des causes variées (environnement, réchauffement climatique, immigration, égalité raciale, etc.), le témoignage de l’enseigne américaine Ben & Jerry’s, est en tous points édifiant : “Beaucoup de gens voient Ben & Jerry’s comme un vendeur de crème glacée. Mais nous, nous nous considérons comme un acteur de justice sociale qui se trouve juste fabriquer les meilleures glaces du monde,” résumait Sean Greenwood, le “Grand Poobah” des relations publiques du vendeur de glaces lors d’une table ronde en ligne du festival SXSW 2021. “Nous nouons des partenariats pour identifier là où nous pouvons avoir un impact et mettre en place des actions concrètes, puis nous mesurons le travail effectué. C’est très différent des pratiques de “cause marketing” dans lesquelles un directeur marketing se demande comment il peut se positionner sur un sujet qui va convaincre davantage de gens d’acheter ses produits, en s’alignant avec les attentes des consommateurs ”.

Sur une autre thématique : qui ne connait pas Patagonia et son célèbre fondateur, Yvon Chouinard, 83 ans, connu pour ses prises de position en matière d’écologie ?
Celui-ci a fait récemment parler de lui en prenant une décision inédite : transférer ses parts de l’entreprise à deux fonds chargés d’en consacrer les bénéfices (100 millions de dollars par an) à la défense de l’environnement. Une prise de position hors norme, point d’orgue de près de 5 décennies d’engagement sans concession. « Nous faisons de la terre notre seul actionnaire. Au lieu d’extraire la valeur de la nature et de la transformer en richesse, nous utilisons la richesse créée par Patagonia pour protéger la nature ». Une belle source d’inspiration, et surtout la confirmation que l’alignement entre raison d’être, business model et déploiement opérationnel privilégiant engagements long terme est la clé de la crédibilité.

Apprendre en marchant, traverser des échecs, rebondir… C’est ce qui fait la force de la démarche, et qu’importe si les entreprises affichent des niveaux de maturité variés, tant que la volonté est là.

text