Biomédicaments français : l’heure du grand rendez-vous ?

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  22 juin 2023

Par Sophie Da Silva Rosa, Cheffe de projet Editorial au sein de l’agence DII

Biomédicaments : quelle stratégie pour permettre à la France de rattraper son retard ?

En 2022, seuls 8 des 78 biomédicaments autorisés en Europe étaient de fabrication française. Une activité bien inférieure à celle de nos voisins européens ou transatlantiques et un déficit qui nous rend dépendant des vendeurs, en particulier des Etats-Unis, leader référent qui détient plus de 76% de la production mondiale.

Face à cette explosion du marché qui se rapproche des 400 milliards d’euros, la France tente de se mettre en ordre de bataille. Budgets colossaux pour l’innovation en santé, objectifs de développement de bioproduits et biothérapies ou encore clusters privés-publics, la stratégie est aujourd’hui de reprendre la main durablement sur cet écosystème longtemps sous-estimé.

Bio scepticisme, sécurité, coûts, temps… Avons-nous surpassé les freins du passé ?

Conçus à partir d’organismes vivants, comme les protéines ou les bactéries, la conception des biomédicaments nécessite de lourds moyens humains, financiers mais aussi temporels. Les procédés de fabrication sont en effet plus longs et plus coûteux que pour les médicaments classiques. Ces impératifs d’investissement ont freiné l’engouement des acteurs privés à franchir le cap. De ce fait, une décennie plus tard, la France dépend à 95% des importations pour couvrir ses besoins ! Un fragile équilibre qui se trouve à présent bousculé par la hausse des coûts des matières premières lors des achats.

Pour surmonter la situation, les différents acteurs tentent d’apporter des améliorations et balayer les points faibles qui ont été défavorables à l’expansion des biomédicaments français. Lenteur administrative pour les autorisations de mise sur le marché (AMM), difficile soutenabilité financière de notre sécurité sociale, surestimation des risques médicaux et méfiance des patients : très vite, cette industrie est parue dispendieuse et moins fiable. Toutefois, face aux incertitudes liées aux coûts et aux disponibilités, le besoin d’accompagner une transition vers des biomédicaments français et une souveraineté sanitaire est devenu une urgence nationale.

Horizon 2030 : pouvons-nous tendre vers une indépendance française ?

Face à ce défi pharmaceutique majeur, Etat, laboratoires, hôpitaux, consortiums privés-publics et centres de recherche s’organisent pour faire renaître l’attractivité française en matière de médicaments et tenter de rattraper le retard.

Cette volonté est inscrite au sein du « Plan Innovation Santé 2030 ». Inclus au sein de la trajectoire France 2030 déployée à la sortie de la crise Covid, le projet vise à impulser une transformation de tout l’écosystème de santé français. Grâce à un budget de 800 millions d’euros attribué seulement pour le volet « biothérapies et bioproduction de thérapies innovantes » l’objectif est de développer 10 nouveaux biomédicaments contre le cancer et les maladies chroniques à court terme, puis dans un second temps à 20 biomédicaments français, 1 licorne et 5 ETI dans les biotechs. Néanmoins tous les domaines thérapeutiques ne seront pas concernés par ce plan d’envergure. En effet, la France met la priorité sur l’oncologie et les maladies rares, car le biomédicament présente l’avantage de mieux cibler une cellule malade lors d’un traitement, sans attaquer les autres. Cela pourrait être une grande avancée, par exemple dans le cas de chimiothérapies agressives. Cette évolution permettrait ainsi à la France d’assoir son leadership en oncologie.

Mais pour atteindre ces objectifs, les laboratoires vont devoir s’armer de nouveaux talents ! D’ici 2030 ce sont près de 10 000 postes qui vont être créés dans le seul secteur de la biotech. Les défis de l’attractivité et de la rétention des talents vont donc être de taille. Qu’ils soient médecins ou pharmaciens de formation, qu’ils exercent dans les affaires règlementaires, la qualité, l’information médicale, le market access ou la pharmacovigilance : toutes les fonctions seront concernées par ces nouveaux enjeux de développement et de sécurité.

Le secteur pharmaceutique français ne peut donc plus ignorer ce marché autant novateur que prometteur. L’industrie doit parvenir à imposer des biomédicaments de fabrication française pour permettre à la France de redevenir un leader européen du secteur. Désormais, il incombe à l’Etat, aux acteurs privés et à l’ensemble des professionnels de recherche de soutenir ces progrès afin de favoriser la production de nouveaux biomédicaments, et ce à prix maîtrisé et en garantissant la sécurité des patients. Des essais cliniques jusqu’à la surveillance des effets indésirables, c’est tout l’écosystème qui doit être mobilisé autour de cet effort collectif, pour permettre un véritable essor des biomédicaments français, plus performants et optimisés et qui seront les traitements de demain.

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