Rencontre avec Marie-Pierre LAFON

editorial | interview | finance

26 mai 2023

Marie-Pierre Lafon, Responsable du développement des compétences de la filière finance et performance du groupe Orange

Marie-Pierre Lafon, Responsable du développement des compétences de la filière finance et performance du groupe Orange

La montée en compétence des décideurs financiers chez Orange : un enjeu stratégique pour fidéliser les talents !

Comment développer les compétences des futurs décideurs de la finance ?

Marie-Pierre Lafon est responsable du développement des compétences de la filière finance et performance du groupe Orange. Forte d’une expérience de presque trente ans au sein de la direction financière de l’entreprise, elle parcourt avec nous aujourd’hui les enjeux de la formation et du développement des softs skills des financiers de demain.

DII : Marie-Pierre, en quelques mots, pourriez-vous revenir sur votre carrière ?

Marie-Pierre Lafon : Je suis arrivée à l’époque où Orange était encore France Télécom ! C’était le moment où l’entreprise entrait en bourse et passait du statut de droit public à celui de droit privé. Il y avait tout à faire, autant dans la finance que dans le contrôle de gestion ou dans la comptabilité ! J’ai commencé par accompagner la comptabilité globale : la partie analytique, les comptes de résultats, les chiffres d’affaires et les marges. C’était assez nouveau à l’époque et ça a été une période passionnante ! Ensuite, il y a eu le passage à la comptabilité IFRS et aux normes internationales, entre 2003 et 2006. Il a fallu se former, intégrer les notions de juste valeur, de droits d’usage… et changer l’outil de consolidation pour y répondre. A la suite de cela est arrivée la mise en place du centre partagé de la comptabilité et j’avais alors la charge de superviser la clôture comptable la division réseau et opérateur. Puis j’ai pris le poste de directrice du contrôle de gestion et patrimoine de la région sud-est. C’était une aventure opérationnelle intéressante, mes premiers pas en management, et qui plus est au moment des débuts du déploiement de la fibre optique et du passage à la 4G ! A postériori j’ai pris la direction du contrôle de gestion sur la partie commerciale BtoB, avec de vraies problématiques de CA. C’est là que j’ai initié avec mon équipe des usages de data visualisation. A la suite du Covid, j’ai eu envie de changer et c’est là qu’on m’a proposé le poste de Responsable Développement des Compétences filière Finance et Performance.

DII : En quoi consiste ce pôle atypique au sein d’Orange ?

Marie-Pierre Lafon : Ce sont les RH de la filière finance. Orange a lancé un grand plan de transformation de l’organisation de la finance début 2022 et nous en sommes le support. Ce plan a vocation à accompagner la déflation des effectifs, dans une organisation différente tout en tenant compte des nouveaux enjeux et paramètres des métiers. Le défi c’est d’anticiper et de réfléchir aux compétences de demain, et d’aider les collaborateurs à développer les compétences qui s’avèreront clé. Il faut avoir une vision globale pour anticiper tous les métiers, qu’il s’agisse du contrôle de gestion, de la comptabilité, de l’audit ou même du risque ! Nos grandes problématiques sont liées aux mutations de nos métiers. Il faut donc travailler de manière à intégrer tout ce qui est data science, nouveaux outils, travail en mode projet agile, enjeux RSE, cash, et se préparer aux éventuelles crises ! Le risque devient de plus en plus important, il faut l’intégrer au quotidien.

DII : Quel est votre rôle en tant que responsable de cette filière ?

Marie-Pierre Lafon : Je pilote l’école de formation des financiers d’Orange qui propose des formations externes mais aussi internes. Je suis référente pour tout ce qui touche au développement des compétences des financiers. Je fais aussi le lien avec les prestataires externes au besoin. Une de nos grandes forces aujourd’hui, ce sont donc nos modules de formation interne que l’on a construits et qui sont animés par des collaborateurs du Groupe, en différentes langues, sur différentes thématiques. Nous utilisons notre école pour préparer les compétences de demain. Nous recrutons peu en externe et donc l’évolution des collaborateurs est un défi majeur. De ce fait, ils n’ont pas toujours les connaissances requises, donc nous les formons ! Sur un deuxième volet il y a aussi les compétences à entretenir. Nos axes prioritaires sont aujourd’hui la data visualision, la gestion de projet agile, l’extra financier… Il faut également travailler sur la posture du financier pour qu’il soit à l’aise dans son rôle de communicant. Mon rôle c’est d’anticiper les compétences de demain. Un des leviers est la formation donc je travaille à leur conception, en intégrant de nouvelles modalités pédagogiques, en trouvant les arguments pour inciter collaborateurs à les acquérir et leurs managers à leur dégager du temps. C’est un véritable projet de transformation, qui va nous prendre encore quelques années !

Financières, Tech’, humaines… Zoom sur les compétences essentielles des futurs leaders de la finance !

Marie-Pierre Lafon : Indéniablement, il lui faut des compétences techniques pour être crédible vis-à-vis des personnes avec lesquelles il travaille. Mais le plus important c’est la curiosité et l’envie ! Les soft skills et les compétences comportementales sont indispensables D’autant plus avec le travail à distance : il faut un relationnel, des compétences pour s’organiser et nouer des relations. Avant il fallait « simplement » être l’expert. Aujourd’hui, le reste est tout aussi important car c’est un vrai carburant pour la performance. Les machines font déjà plein de choses à notre place, et elles le font plutôt bien en plus ! La plus-value c’est la dose d’intelligence humaine. Alors certes, il faut connaître des outils de data science, savoir ce qu’ils peuvent nous apporter, mais plus que de l’analyse prédictive désormais qui peut être réalisée par des algorithmes, le travail du financier est aujourd’hui comment j’explique et je fais passer mon message.

DII : Quelle serait l’équipe parfaite pour surmonter les défis de la finance d’aujourd’hui ?

Marie-Pierre Lafon : C’est un équilibre à trouver. Les équipes fonctionnent parce que chacun apporte un peu de sa manière d’être. Il faut des compétences mais surtout une complémentarité de savoir-être humain. Moi je trouve que la diversité des profils, des femmes, des hommes mais aussi la variété des âges font les performances. Il faut un équilibre entre les extravertis, les introvertis, les sceptiques et même les rêveurs qui se projettent ! C’est une dose à trouver pour chaque enjeu et chaque projet. Enfin, le critère le plus important, c’est de travailler avec le sourire et l’envie d’être là ! Pour moi, c’est comme ça qu’on aura le bon résultat. On passe du temps en entreprise donc il faut aimer les projets et avoir de l’ambition pour les stimuler !

DII : Quel modèle organisationnel privilégier pour surmonter ce contexte de crises en série qui n’en finit plus ces dernières années ?

Marie-Pierre Lafon : Je ne suis pas sûre qu’il existe une seule règle d’organisation, car chaque entreprise a ses particularités. Chez Orange, ce qui n’a jamais changé, c’est le plaisir du métier et le plaisir de rester dans le groupe. Les CFO ont toujours été proches du PDG et la direction est consciente de cette relation. Cette expertise est reconnue et c’est important de la maintenir en misant sur les véritables compétences clés. Aujourd’hui chez Orange, on anime une communauté de plus de 6000 financiers et je crois beaucoup en cette unité. On a aussi créé dans le cadre de notre transformation un CSP Global Finance. C’est un centre de services dans lequel nous développons la mutualisation, en plus des activités comptables déjà en CSP depuis des années. Cela va se faire par étape pour optimiser nos processus financiers et nous rendre plus efficients.

DII : Un mot pour conclure sur cette métamorphose de la filière finance entre les années passées et celles à venir ?

Marie-Pierre Lafon : Tous les postes que j’ai eus m’ont fait grandir. Maintenant je souhaite à mon tour faire grandir cette communauté de financiers et poursuivre le développement de leurs compétences. L’organisation des activités finance dépend de l’histoire d’un groupe et de ses activités. Nous par exemple, ça fait 25 ans qu’on a un ERP ! On a un sacré système par rapport à d’autres entreprises, avec des outils et des budgets. Les prochains défis sont désormais de structurer nos hubs de données, de leurs collectes, en passant par la sécurisation et leurs restitutions avec de la data visualisation, de l’analyse prédictive et deux centres d’excellence RPA et datascience qui travaillent sur de nombreux use cases. Il faut désormais aller plus loin que les robots !

Propos recueillis par Sophie DA SILVA ROSA

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